#04 - Co-concevoir avec ses utilisateurs
Ecosystème
Durée de l’épisode 00:23
Pour ce quatrième épisode, "100 jours pour réussir" fait le focus sur la co-conception et la co-création d’un dispositif sanitaire avec ses utilisateurs : patients et utilisateurs mais aussi avec l’ensemble des parties prenantes : autorités publiques, professionnels de santé, industriels ou start-ups.
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Voix Off: Cent Jours pour Réussir, c'est le podcast de G_NIUS, le Guichet National de l'Innovation et des Usages en e-Santé. Autour de Lionel Reichardt, retrouvez les innovateurs de la e-santé et les experts incontournables pour vous aider à réussir dans vos projets.
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Lionel Reichardt: Bonjour à tous et bienvenus sur le podcast Cent Jours pour Réussir. Dans cet épisode nous parlerons de la co-conception et de la cocréation d'un dispositif sanitaire. Co-conception avec ses patients et utilisateurs, mais aussi avec l'ensemble des parties prenantes, autorités publiques, professionnels de santé, industriels ou startups. Pour se faire, nous recevons Willy Allègre, ingénieur au laboratoire d'électronique du Centre Mutualiste de Kerpape. Le Centre Mutualiste de Kerpape est un établissement de séjour et de soins spécialisés dans la rééducation des personnes handicapées. Il est situé à Ploemeur, dans le Morbihan. Nous recevons également Stéphane Giganon, directrice nationale qualité évaluation à AIDES, association qui intervient dans la prévention et l'accompagnement des personnes concernées par le VIH ou une hépatite virale. Willy Allègre, bonjour, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
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Willy Allègre: Oui, alors, j'ai suivi un parcours universitaire à l'université de Bretagne Sud, on va dire jusqu'à l'obtention d'un doctorat en informatique appliquée dans le domaine de la domotique pour le handicap. Je suis aujourd'hui ingénieur spécialisé dans les assistances technologiques et intégré au centre avec globalement deux missions, la prise en charge pluridisciplinaire avec des thérapeutes, des médecins pour proposer des solutions technologiques pour les patients et puis j'interviens aussi dans le cadre de projets de recherche, développement, innovation, avec notamment des partenaires académiques et entreprises.
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Lionel Reichardt: Comment passe-t-on de doctorant chercheur à Fabmanager dans un centre de rééducation et de réadaptation ? Que faites-vous exactement au Centre Mutualiste de Kerpape ?
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Willy Allègre: En fait, pour mon histoire personnelle, j'ai attrapé le virus, on va dire quand je suis passé en tant que stagiaire au Centre de Kerpape dans le service dans lequel je travaille aujourd'hui. Ça m'a amené à postuler pour un doctorat appliqué en domotique et handicap. Fabmanager, aujourd'hui, c'est le fruit d'un développement de deux projets à l'écoute des besoins de deux collègues, mais aussi des patients du centre. Ce que l'on fait à Kerpape, peut-être pour présenter quand même le centre, ça fait partie des grands centres de rééducation en France. C'est un établissement de soins de suite et de réadaptation qui est intégré à la Mutualité Française Finistère Morbihan, membre du groupe VYV. Pour vous donner une idée, on accueille quatre cents patients par jour en couvrant les domaines de la rééducation, réadaptation et réinsertion socioprofessionnelle. Peut-être sur le volet innovation, on dit souvent que l'innovation fait partie de l'ADN de Kerpape. Dans les faits marquants, en tout cas, il y a eu la création du laboratoire d'électronique en 1981, qui est le service dans lequel je travaille, qui reste encore original en France, c'est-à-dire que Kerpape a un positionnement unique d'avoir des ingénieurs intégrés dans leur établissement pour à la fois les prises en charge, mais aussi pour développer des nouvelles solutions à partir des besoins de terrain. Un peu plus récemment, il y a eu la création d'un fond de dotations pour soutenir les actions en innovation, e développement d'un département innovation-recherche aussi. Il faut savoir qu'il y a une soixantaine de projets en cours dans notre centre. Puis, plus récemment, en fait, on porte là, un centre d'innovation qui va se monter pour 2021 qui s'appelle le CoWork'HIT, sous l'impulsion du centre, mais aussi de Lorient Agglomération, Biotech Santé Bretagne et dans le cadre d'un projet qui s'appelle Handicap Innovation Territoire que j'aurais l'occasion certainement de développer dans ce podcast.
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Lionel Reichardt: Vous travaillez dans le champ du handicap, vous aidez les patients dans leur travail de réadaptation et de rééducation. Quand avez-vous développé votre démarche de co-construction ? A-t-elle été simple à mettre en place ?
00:04:11
Willy Allègre: La démarche de co-construction, co-conception, elle est déjà, je pense, inhérente au domaine de la rééducation et de la réadaptation, c'est-à-dire que le projet du patient est coconçu par définition. Il y a beaucoup d'écoute et finalement une posture d'accompagnement des patients dans leur projet de vie. Ensuite, sur le volet innovation, on va dire qu'il y a différentes philosophies que l'on applique au centre. Peut-être la première qui est de focaliser des développements sur l'approche conception centrée utilisateur pour le développement de produits, de solutions, alors dites santé ou je vais dire, dans notre champ, plus d'aides au handicap. Cette philosophie, finalement, si je dois résumer, c'est que l'usager doit être présent et doit être contributeur dans toutes les étapes de conception. Ça va de la définition des usages jusqu'à l'évaluation de la solution. Je peux vous donner un exemple concret d'un projet financé par l'Agence Nationale de Recherche qu'on a réalisé il y a trois ans maintenant, qui consistait à développer un système d'aide aux déplacements debout motorisé pour des personnes hémiplégiques, donc avec une motricité faible au niveau d'un bras et d'une jambe sur un côté du corps. Le consortium de partenaires était constitué d'entreprises, de chercheurs, de cliniciens. On aurait pu se dire qu'on avait toutes les compétences nécessaires au développement de ce nouveau dispositif. Alors ça aurait été évidemment une grave erreur. Le fait d'avoir impliqué les personnes, les futurs usagers, les personnes hémiplégiques dès le début du projet à travers notamment des focus groupes menés par des chercheurs en psychosocial, on a pu cibler davantage les activités essentielles à couvrir pour ce dispositif, dans quelles situations il sera utilisé demain et puis d'orienter aussi des choix techniques sur l'ergonomie du système, aussi sur le joystick concrètement. Les usagers ont également, je pense, été impliqués au niveau de l'évaluation en situation réelle et je pense que c'est vraiment important. On a pu utiliser les appartements tremplins du centre qui ont été labellisés Living Lab Santé Autonomie pour évaluer la capacité des usagers à réaliser des activités de vie quotidienne en situation réelle, comme se lever le matin, faire la cuisine, vraiment dans des conditions réelles d'expérimentation. Peut-être le deuxième point que j'aimerais citer, c'est au-delà de concentrer le développement autour de l'usager, de l'impliquer dans toutes les étapes, c'est vraiment de favoriser au plus haut niveau sa participation. On parle de patients-experts, patients-ressources. On parle d'empowerment en santé. On pourrait s'appuyer justement sur des recommandations récentes de l'HAS, qui datent même du vingt-deux septembre. Je cite : "Pour chaque projet ou citation, l'objectif est d'atteindre le plus haut niveau d'engagement possible. Il convient toutefois d'ajuster, de s'ajuster aux contextes et aux possibilités des personnes concernées comme des professionnels". Dans le domaine du handicap, ces mots ont une résonance encore plus importante que dans le domaine de la santé large quand cela permet à des personnes qui se voient des capacités diminuées, d'augmenter leurs capacités d'agir. Nicolas Huchet, lui, parle de Handicapowerment dans ce contexte-là, qui est un terme que j'aime beaucoup, ou comment transformer ces limitations en motivation ? Alors, il parle finalement de son opportunité très personnelle de travailler sur le développement de sa propre prothèse de main avec une imprimante 3D en étant accompagné d'un fablab rennais. On est complètement; là, dans la mouvance du Do It Yourself. Cet exemple-là de Nicolas, il a été très inspirant pour nous, pour développer le concept du Rehab-Lab, qui un laboratoire de fabrication intégré dans une structure sanitaire ou médico-sociale pour permettre aux patients qui le souhaitent d'être acteurs de la création de leurs propres aides techniques en utilisant l'impression 3D. Pour cela, ils sont accompagnés par un ergothérapeute, un référent technique et concrètement, ils ont la possibilité de créer leurs objets en utilisant un logiciel de conception assistée par ordinateur et d'aller jusqu'au bout de la démarche et d'être considérés comme chefs de projet à ce niveau. Pour illustrer le projet, le concept du Rehab-Lab, quand on parle d'aides techniques, on parle de petits objets du quotidien qui permettent de compenser une situation de handicap. Je peux vous citer deux exemples. D'abord, Tristan, un jeune joueur de foot-fauteuil. Alors, il faut s'imaginer, pour ceux qui ne connaissent pas, le principe du foot en salle avec un plus gros ballon, des joueurs aussi en fauteuil roulant électrique. Tristan fait partie de l'équipe de France, pour la petite histoire, championne du monde d'ailleurs, qui a battu les Etats-Unis dernièrement. Tristan a modélisé en trois séances d'une heure ce qu'on appelle une fourche qui vient remplacer le joystick classique du fauteuil et qui lui permet, non plus d'utiliser des mouvements fins au niveau des doigts pour contrôler son joystick standard, mais plutôt d'exploiter des mouvements globaux au niveau de la main pour se déplacer en fauteuil. Tristan a pu travailler sur l'ergonomie de cette technique, mais il a pu aussi choisir les matériaux, la couleur et puis la personnaliser avec l'étoile et son numéro. Je pourrais parler aussi d'une dame de plus de 70 ans qui est passée récemment au Rehab-Lab que j'ai trouvée incroyable. En une séance d'ergothérapie d'une heure, souris en main et accompagnée d'un technicien, elle a pu modéliser un porte-cartes sur mesure pour continuer à jouer avec ses amis et sans être obligée de les tenir en main. En fait, elle n'en avait plus la capacité finalement. Derrière ces deux exemples-là, autour du Rehab-Lab, il y a un enjeu fort autour de l'estime de soi d'avoir réalisé son aide technique soi -même et puis aussi, par extension de développement de compétences dans le numérique à faire valoir une fois sorti de l'établissement et puis un cheminement aussi que l'on constate sur le terrain, sur l'acceptation de son propre handicap finalement. Peut-être pour terminer sur ce projet, ces exemples d'implication au plus haut niveau des usagers se sont multipliés. On a pu développer ce qu'on appelle une communauté de Rehab-Lab. Il y a seize structures en France aujourd'hui qui sont labellisées et il y a une dizaine d'autres structures dans d'autres pays européens que l'on accompagne actuellement.
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Lionel Reichardt: Comme vous l'avez mentionné, vous travaillez avec des interlocuteurs différents, les patients et leur entourage, les professionnels de santé, les thérapeutes, les ergothérapeutes, les industriels, les startups et aussi des institutions territoriales. Y-a-t-il un secret pour les faire travailler ensemble et fédérer leur énergie ?
00:11:10
Willy Allègre: Oui, alors il n'y a pas un secret, peut-être j'ai quelques éléments en termes de retours d'expérience à donner. Déjà, de pouvoir les mettre autour de la table pour permettre de décloisonner un petit peu les secteurs, parler de sujets communs avec différents points de vue. Après, le deuxième point, c'est peut-être de trouver les bonnes personnes aussi avec cet état d'esprit d'ouverture et puis de personnes capables de favoriser l'intelligence collective pour aboutir à des consensus parfois, parce qu'il y a des enjeux qui sont différents pour les différentes structures et puis le troisième point, c'est évidemment autour de l'implication des usagers. Finalement, c'est de mettre au cœur des discussions, les futurs bénéficiaires des solutions ou des programmes qui vont être développés et quelque part, ce qu'on a pu voir dans les groupes de travail montés dans le cadre de ce projet, c'est que, oui, il y a l'expression des besoins qui arrivent sur la table, des regards croisés pour proposer des solutions et toujours ce souhait de remettre au cœur des discussions vraiment le besoin usager finalement, ce qui permet finalement de dépasser un petit peu les enjeux propres à chacune des structures.
00:12:26
Lionel Reichardt: Comment évaluez-vous cette démarche de co-construction ? Quel cadre juridique avez-vous sur la prise en charge ? Quelle responsabilité industrielle ? Quelle responsabilité juridique ? Est-ce facile de s'y retrouver ?
00:12:36
Willy Allègre: Non, pour être franc, c'est assez complexe, ça dépend beaucoup du domaine d'intervention où on va développer des innovations. Si on parle du domaine clinique, par exemple, d'évaluations cliniques, on peut rentrer dans des conditions liées à la RIPH, Recherches Impliquant la Personne Humaine, avec la dépose de CPP, Comité de Protection des Personnes, etc. Suivant les projets, on peut être confronté au traitement de données assez classique, déclaration CNIL. Parfois et dans le domaine du handicap, la frontière est un peu floue encore sur qu'est-ce qui est du domaine des données de santé nécessitant des hébergeurs HDS, par exemple et qu'est-ce qui ne l'est pas dans le domaine du handicap au sens large ? Je dirais que pour le côté évaluation, c'est pareil. C'est vraiment faire du sur-mesure en fonction de ce que l'on souhaite évaluer, si c'est une solution technique, si c'est un programme plus global avec des indicateurs à l'échelle d'un territoire, par exemple sur le dernier projet que j'ai évoqué. Ce n'est vraiment pas évident de s'y retrouver. Je pense que l'objectif pour les acteurs de l'innovation, c'est d'identifier des relais experts en fonction de leurs domaines d'innovation pour pouvoir s'appuyer sur ces experts-là et border des conditions d'évaluation, d'expérimentation. C'est vraiment important.
00:14:08
Lionel Reichardt: Pour conclure Willy Allègres, quels conseils donneriez-vous à un porteur de projet, à quelqu'un qui voudrait se lancer dans la co-conception et la co-construction en santé ?
00:14:17
Willy Allègre: Alors, j'aurai trois conseils à donner, ça résume peut-être un peu mes interventions précédentes, mais c'est de penser comment impliquer au plus haut niveau les usagers et les impliquer dans toutes les étapes de conception pour parler vraiment de co-conception. Respecter les conditions aussi d'implication dont je viens de parler tout de suite. Pour le deuxième conseil, ce serait de bien identifier les acteurs à mobiliser et d'interroger aussi l'écosystème global, tous ceux qui gravitent autour du parcours de vie des usagers ou des personnes en situation de handicap, avec cette difficulté de pouvoir décloisonner les acteurs de la santé. Ca, c'est assez inhérent au système de santé français et puis d'identifier les réseaux existants qui sont représentatifs de certains acteurs, par exemple des réseaux de centres de rééducation, des structures médicosociales. Au passage, il y a une nouvelle structuration de structures innovantes médicosociales, portée par l'ANS, appelées structures trois point zéro, qui seront demain capables, par exemple, d'accueillir des expérimentations et de faire des évaluations de solutions d'e-santé en France, donc c'est typiquement un réseau à identifier si vous développez des innovations dans ce domaine. Puis, le troisième conseil, ce serait d'identifier, c'est surtout pour gagner du temps, de l'énergie aussi, identifier des centres experts pour vous accompagner, justement pour couvrir l'ensemble des volets indispensables dans le champ du handicap, qui sont le volet réglementaire, juridique, technique et puis le volet aussi en lien avec la prise en charge du financement qui est essentiel dans le système de santé français. Sur ce dernier point, dans le champ du handicap, trouver un interlocuteur unique pour être accompagné sur ces différents volets, relève un peu du parcours du combattant aujourd'hui en France. C'est la raison qui nous a motivés il y a deux ans maintenant, dans le cadre du projet Handicap Innovation Territoire à lancer le CoWork'HIT, un centre d'innovation qui sera opérationnel en janvier 2021et qui compte bien s'inscrire justement dans l'écosystème des structures trois point zéro porté par l'ANS que je viens de citer.
00:16:28
Lionel Reichardt: Willy Allègre, merci pour votre témoignage et votre éclairage sur le travail effectué au Centre Mutualiste de Kerpape. Vous vous posez des questions plus précises sur les démarches d'actions communautaires et de co-conception dans le domaine de la santé, éléments de réponse avec Stéphane Giganon, directrice nationale qualité et évaluation à AIDES. AIDES est une association créée en 1984 qui intervient dans la prévention et l'accompagnement des personnes concernées par le VIH ou une hépatite virale. Stéphane Giganon, vous travaillez depuis plus de vingt ans sur des projets en cocréation avec des communautés. Pouvez-vous nous donner votre philosophie et les grands principes nécessaires à la réussite de vos projets ?
00:17:11
Stéphane Giganon: Je crois que le premier élément qui me vient comme ça, à l'esprit, c'est que coconstruire, c'est avant tout, je crois, une démarche, une pratique et puis une dynamique de partage, ce que j'ai appris et ce que j'en sais. C'est issu évidemment de mon expérience de terrain et des formations que j'ai pu suivre dans mon parcours professionnel. L'idée, c'est d'apporter une réponse à un besoin émergeant et de le faire avec les gens qui sont concernés. Pour moi, quand on construit un projet, un outil ou un programme, il doit être pensé avec les personnes et non pas uniquement pour les personnes. La personne, elle doit être au centre, ça veut dire que tout au long du projet, de la réflexion, de la création jusqu'à l'évaluation, voire jusqu'à l'utilisation, on met la personne au centre, mais pour faire ça, il faut lui donner les moyens d'agir à la fois dans les moyens d'agir, j'entends par-là, agir et décider. Ce n'est pas juste uniquement d'élaborer des pratiques qui incluent la voix des personnes, donc une espèce de forme de participation alibi dans laquelle on demanderait un avis à quelqu'un à un moment donné, mais c'est bien d'interroger en profondeur les modalités de la participation et le rôle social de chacun, le rôle qu'on peut avoir chacun dans cette construction de projet. Alors, ça veut dire que pour coconstruire avec un groupe d'individus, chacun doit être préparé parce qu'on doit être capable de se confronter aux autres et pour se confronter aux autres, il faut se confronter à soi-même, c'est-à-dire qu'il faut se dire c'est quoi nos certitudes ? C'est quoi nos savoirs ? C'est quoi nos pratiques et c'est quoi la manière dont on interagit avec les autres ? La manière dont on agit professionnellement. Il y a trois étapes qui me paraissent essentielles. La première, c'est la connaissance de la population. La première étape du construire avec, c'est d'abord apprendre à connaître la population à laquelle on veut s'adresser, avec laquelle on veut travailler. Il faut s'en approcher. Il faut aller vers. Il faut aller chercher des personnes, d'ailleurs aller les chercher dans leur environnement quotidien, un peu n'importe où d'ailleurs. Ça peut être dans leur lieu de vie, dans les associations, dans la rue, dans l'entreprise, en fonction de ce qu'on veut réaliser, mais pour faire ça, avant d'approcher la population et d'aller vers, il faut travailler sur ses propres représentations, c'est-à-dire qu'est-ce que l'on pense, nous, de cette population, vers laquelle on va aller, que peut-être on ne connaît pas, mais on a besoin de travailler sur nos représentations. Quand on a fait déjà ce travail de connaissance de la population, la deuxième chose, c'est d'identifier les ressources de ce groupe-là, de les stimuler et de mobiliser les ressources du groupe qui doit s'impliquer avec nous. Il faut systématiquement reconnaître à chaque individu, ça, c'est hyper important, le fait que chaque individu a des compétences et que ces compétences-là, il peut les partager. Les compétences peuvent être complémentaires, spécifiques, peu importe, mais dans un groupe, on doit reconnaître ça pour chaque individu. Ca, c'était la deuxième étape et puis évidemment, la troisième, pour réussir tout ça, c'est de créer les conditions dans lesquelles les relations dans un groupe vont être possibles et elles vont pouvoir être réellement partagées, où on pourra réellement partager nos savoirs et nos pouvoirs. Ca suppose d'avoir des pratiques et des postures spécifiques qui soient dans un cadre sécurisant et qui soit le plus rassurant possible. Ces conditions, ça veut dire créer des espaces de confiance pour que les personnes aient envie de travailler ensemble, cela veut dire avoir des attitudes bienveillantes, non jugeantes, garantir la confidentialité, par exemple, pour permettre les échanges et l'apprentissage mutuel. Les personnes doivent vraiment se sentir en sécurité pour pouvoir parler, s'exprimer et donner un point de vue. Ensuite, il faut développer des rapports égalitaires et horizontaux. Il n'y a pas d'expert ou alors plus exactement, on est tous des experts de quelque chose ou on est tous également des profanes de quelque chose. Il faut laisser à chacun le temps d'exprimer son expertise et de faire vivre son expertise, discuter et laisser le temps aux personnes de prendre une place, mais pour que les personnes du groupe prennent une place, il faut que les professionnels prennent le temps de laisser la place. C'est ce juste équilibre-là qui va fonctionner et l'intervenant, s'il y a un intervenant dans le groupe pour faire émerger les compétences et les capacités, il faut qu'il vise le développement de ces capacités de chacun à agir. Ca doit être son objectif principal. Les personnes doivent pouvoir agir, donner leurs points de vue, faire des choix pour elles et des choix pour le groupe. Là, ça fait appel un peu à la notion d'empowerment, c'est-à-dire dans un groupe, comment on va aller chercher l'autonomie de chacun, le pouvoir d'agir de chacun, le pouvoir de dire. En fait, comment chaque personne va se sentir exister et avoir une place dans ce groupe-là et c'est ça que doit viser l'intervenant s'il veut vraiment faire travailler les personnes ensemble, parce qu'en fait, l'idéal, c'est de réussir à faire que les personnes collaborent pour trouver des solutions, y compris d'ailleurs avec les professionnels, c'est-à-dire que tout le monde doit être un peu sur le même niveau et collaborer et la condition principale pour que tout ça fonctionne, que tout ça puisse être pris en compte et qu'on ait vraiment un groupe de collaboration et de travail et d'apprentissage mutuel, il faut évidemment que les objectifs soient clairs et surtout énoncés dès le départ, c'est-à-dire que le cadre sécurisant, c'est les attitudes évidemment, mais c'est aussi avoir des objectifs clairs et énoncés, ne pas se tromper, savoir pourquoi on est là, ce que l'on à y faire, quelle est notre place, etc., redire ça systématiquement.
00:22:49
Lionel Reichardt: Notre épisode touche à sa fin. Merci de nous avoir écoutés. Nous remercions nos deux invités pour leur disponibilité, ainsi que vous pour votre écoute. N'hésitez pas à vous abonner au podcast sur les plateformes d'écoute. Nous vous donnons rendez-vous très bientôt pour un nouvel épisode de Cent Jours pour Réussir.
00:23:07
Voix Off: Celles et ceux qui font la e-santé d'aujourd'hui et de demain sont sur le podcast de G_NIUS et toutes les solutions pour réussir sont sur gnius.esante.gouv.fr.
Description
Avec Willy ALLÈGRE (Centre Mutualiste de Kerpape) et Stéphane GIGANON (AIDES).
Pour ce quatrième épisode, "100 jours pour réussir" fait le focus sur la co-conception et la co-création d’un dispositif sanitaire avec ses utilisateurs : patients et utilisateurs mais aussi avec l’ensemble des parties prenantes : autorités publiques, professionnels de santé, industriels ou start-ups.
Avec le témoignage de Willy ALLÈGRE, ingénieur au laboratoire d'électronique du Centre Mutualiste de Kerpape. Le Centre Mutualiste de Kerpape est un établissement de séjour et de soins, spécialisé dans la rééducation des personnes handicapées. Il est situé à Plœmeur, dans le Morbihan.
Retrouvez également Stéphane GIGANON, Directrice nationale Qualité et Évaluation à AIDES, association qui intervient dans la prévention et l'accompagnement des personnes concernées par le VIH ou une hépatite virale.