#30 - 2019-2022 : 3 ans d’actions pour le numérique en santé

Réglementation

Durée de l’épisode 00:18

Avec Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé de 2019 à 2022.

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G_NIUS: Cent jours pour réussir, c'est le podcast de G_NIUS, le Guichet National de l'Innovation et des Usages en e-Santé. Autour de Lionel Reichardt, retrouvez les innovateurs de la e-santé et les experts incontournables pour vous aider à réussir dans vos projets.

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Lionel Reichardt: Bonjour à tous. Vous écoutez 100 jours pour réussir, le podcast à destination des innovateurs et entrepreneurs dans le numérique et en santé, mais aussi de toute personne curieuse de ce domaine. Ce podcast est produit par G_NIUS, le Guichet National de l'innovation et des Usages en e-santé. Pour ce trentième épisode clôturant la deuxième saison de ce podcast, 100 jours pour réussir, j'ai le plaisir d'accueillir Laura Létourneau, déléguée ministérielle au Numérique en Santé, sur le thème Bilan des trois premières années de la DNS, la Direction Numérique en Santé au sein du ministère de la Santé et de la Prévention. Laura Létourneau, bonjour.

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Laura Létourneau: Bonjour.

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Lionel Reichardt: 2019 - 2022, trois années qui ont changé la face du numérique en santé en France. Pouvez-vous, pour les innovateurs et entrepreneurs en santé qui nous écoutent, nous rappeler la genèse et les grandes lignes de ce virage du numérique en santé ?

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Laura Létourneau: La genèse, c'était fin 2018, dans un rapport qui a été fait par Dominique Pon et Annelore Coury, qui évoquait le constat un peu déprimant de l'état des lieux du numérique en santé en France, en disant qu'on passe notre temps à parler à longueur de tables rondes, de patients acteurs, de coordination ville hôpital, de décider de sanitaire et de médico-social, mais en réalité et en partie à cause du numérique, ce n'est pas vrai sur le terrain. Parce que le compte rendu de biologie ne passe pas du laboratoire au médecin traitant à l'hôpital, à l'EHPAD, etc. Aussi, parce que quand on est citoyen, on n'a pas nos données à disposition. Comment est-ce qu'on fait pour faire mieux collectivement demain ? Parce qu'on a tous une part de responsabilité. Nous, pouvoirs publics, professionnels de santé, associations de patients, éditeurs de logiciels, on fait tous notre part. Nous, pouvoirs publics, on a fait notre part en définissant, un : le pourquoi on faisait du numérique en santé. Deux, le quoi : qu'est-ce qu'on veut faire, tout bêtement ? Quelle est notre vision et comment est-ce qu'elle se décline en une feuille de route ? Trois : comment met-on en œuvre cette feuille de route ? Le plus important.

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Laura Létourneau: Sur le pourquoi, on a défini une doctrine et un cadre de valeurs en disant qu'on veut faire un numérique en santé en France et en Europe qui soit un numérique en santé, éthique, humaniste, citoyen. Le numérique n'est pas une fin en soi, mais c'est malheureusement un moyen indispensable pour tirer la transformation du système de santé vers une médecine plus personnalisée, de prévention, etc. Sur le quoi, on a défini la logique qu'on appelle la logique d'État-plateforme. Où on a dit que pour urbaniser les systèmes d'information en santé, il faut s'inspirer du mode de gouvernance d'une ville, qui définit le juste rôle entre le public et le privé. Dans une ville, les pouvoirs publics font les règles, le Code de la route, le code d'urbanisme, etc. Dans le numérique en santé, ils font les règles d'interopérabilité, d'éthique dont je viens de parler et de sécurité, mais ils font aussi des infrastructures de base qui permettent l'échange et le partage. Les routes, les ponts, le réseau d'égouts, le réseau d'électricité dans une ville et les communs numériques dans le numérique en santé, avec le tristement fameux dossier médical partagé qui est sorti de terre avec Mon espace santé, avec la messagerie sécurisée, avec la e-prescription, avec l'agenda partagé, avec des outils de coordination, etc.

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Laura Létourneau: En revanche, dans une ville, les pouvoirs publics ne font pas toutes les maisons individuelles. C'est l'écosystème externe qui les fait, la société civile et le privé. De la même façon, dans le numérique en santé, nous, depuis l'avenue de Ségur et le septième arrondissement de Paris, on ne fait évidemment pas tous les services numériques en santé à destination des professionnels et des citoyens. Ça, c'est le privé et la société civile qui doivent les faire. Notre rôle à nous, pouvoirs publics, c'est de vérifier qu'elles respectent les règles, ces services numériques, interopérabilité, sécurité, éthique et qu'ils se raccordent à nos communs numériques. Tout comme les maisons individuelles, elles doivent respecter le code de l'urbanisme et elles doivent jeter leurs égouts dans le réseau d'égouts et pas dans le jardin du voisin d'à côté. Ça, c'est sur le quoi.

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Laura Létourneau: Sur le comment. Comment est-ce qu'on met en œuvre cette vision d'État-plateformes et les trente actions sous-jacentes de la feuille de route ? Un, il faut une coordination des pouvoirs publics, tant au niveau national que régional, qui n'existait pas précédemment. Il faut un chef d'orchestre. Le chef d'orchestre, c'est la délégation numérique en santé. Deux, encore plus important, il faut une co-construction hyper aboutie de la formule politique avec toutes les parties prenantes. Les parties prenantes « classiques », les professionnels de santé, les établissements, les associations de patients, mais aussi et c'est une grosse nouveauté de la feuille de route, avec les industriels, les startuppers, les grands groupes, les éditeurs historiques en direct, parce que ce sont eux qui font le numérique en santé sur le terrain et avec les citoyens et les patients, y compris de façon directe. C'est ce qu'on a fait dans le cadre du Comité citoyen du numérique en santé, avec des citoyens tirés au sort. Au bout de trois ans, cette doctrine a été déroulée grâce à la mobilisation absolument spectaculaire de tout l'écosystème et de toutes les parties prenantes qui ont chacune joué leur rôle. La plateforme d'État, avec ses règles et ses infrastructures, elle est développée à 90 pour cent. Mon espace santé est sorti de terre. Il y a tout un tas d'actions sur l'innovation et sur l'international qui ont elles aussi avancé à marche forcée, notamment dans le cadre de la présidence française à l'Union européenne.

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Lionel Reichardt: Vous l'avez mentionné, cette feuille de route avait cinq grandes orientations, une trentaine d'actions. C'est peut-être un peu difficile de vous poser cette question, mais dans cette trentaine d'actions, quelles sont, selon vous, celles qui ont le plus contribué à aider les innovateurs entrepreneurs en santé ? Est-ce qu'il y en a une qui a été particulièrement difficile à mettre en place ou une qui a votre préférence ?

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Laura Létourneau: Il y en a une qui est peut-être ma préférence, parce qu'elle n'est pas sexy. Je ne vais pas parler de digitale thérapeutique, d'intelligence artificielle, de blockchain, de toutes ces choses super glamour. Je vais parler d'un truc pas sexy, mais clé et qui est un des problèmes majeurs pour les entrepreneurs du numérique en santé aujourd'hui, qui est que la santé est très régulée de façon générale et le numérique en santé aussi. C'est normal vu les enjeux de protection des données personnelles, de sécurité, de fracture numérique, etc. Le fait d'avoir cette plateforme d'État avec ses règles et ses infrastructures qui soient claires, qui sont pragmatiques, qui soient l'État de l'art technologique, qui soient partagées et rendues lisibles via G_NIUS, le Guichet National de l'Innovation et des Usages en e-Santé dont il est question aujourd'hui, et qui soient appliquées et respectées, ce qui est très rare. Aujourd'hui, il y a 50 pour cent de la loi qui n'est pas appliquée. Avec des logiques de contrôle ex ante, ex-post très volontariste. En réalité, c'est indispensable pour que les entrepreneurs et les industriels, de façon générale du numérique en santé, s'y retrouvent, comprennent les règles du jeu, planifient les investissements et puissent anticiper. Ça, c'est la première. Ce n'est pas du tout sexy, mais franchement, c'est clé.

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Laura Létourneau: Ensuite, en plus de ça, vous le savez, il y a deux programmes de financement majeurs qui ont été débloqués dans le cadre de cette feuille de route, qu'on n'aurait jamais osé espérer. Un, c'est le Ségur du numérique en santé, 2 milliards d'euros d'investissement avec des crédits de la Commission européenne, de l'Union européenne, qui va permettre de libérer la donnée de santé, tant sur l'usage primaire que sur l'usage secondaire en se tapant pareil, tout le mauvais travail qui est d'aller collecter la donnée partout où elle se trouve, en ville, à l'hôpital, dans le médico-social et arriver à la faire circuler de façon fluide et sécurisée. Ce n'est pas la peine de parler d'intelligence artificielle si on n'a même pas la donnée à disposition. On sait que le « plus difficile », c'est d'aller se taper les tuyaux pour faire remonter cette donnée. Premier programme de financement.

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Laura Létourneau: Deuxième programme de financement, très centré sur l'innovation et les entrepreneurs, 650 millions d'euros, là aussi issus de France relance et de l'Union européenne. La stratégie d'accélération santé numérique qui comprend elle aussi tout un tas d'actions. C'est presque une deuxième feuille de route en soi qui suit la vie d'un projet d'un entrepreneur du numérique en santé. Ça part de la base. C'est-à-dire, la formation des professionnels de santé au numérique et à l'inverse, des entrepreneurs numériques à la santé et les sujets de recherche. Parce que c'est indispensable d'avoir un terreau fertile humain pour faire en sorte que ces innovations prennent et d'avoir un transfert d'innovation, des sujets de recherche du mot numérique, etc. vers les sujets industriels. Premier point.

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Laura Létourneau: Deuxième point, il faut ensuite avoir de tiers lieux d'expérimentations pour que les entrepreneurs puissent percer la porte, par exemple des hôpitaux et aller tester leurs services numériques en production. On sait que c'est compliqué aujourd'hui et qu'il faut rapprocher le monde de la santé et le monde des startuppers et du développement économique de façon générale. Ça, c'est une des actions de la stratégie. Créer dans tous les établissements sanitaires, médicosociaux, etc., des tiers lieux d'expérimentations pour rapprocher ces deux mondes. Au-delà de ça, il faut et j'ai envie de dire presque surtout, passer à l'échelle. C'est le gros problème de la e-santé depuis des années et c'est celui qu'on essaie de craquer avec cette stratégie, en disant que les services numériques, il ne faut pas qu'ils restent des gadgets. C'est souvent encore malheureusement l'image qu'ils ont. Il faut arriver à évaluer réellement leurs bénéfices médico-économiques. Il y a 100 millions d'euros qui ont été débloqués par la puissance publique pour aider à l'évaluation des bénéfices médico-économiques. C'est clé. Au-delà des subventions et des aides, il faut surtout trouver des business models pérennes. C'est pour ça qu'on a débloqué, dans le cadre du projet de loi de finances de la sécurité sociale, deux guichets d'accès aux marchés, aux remboursements pour les dispositifs médicaux d'une part et pour la télésurveillance d'autre part.

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Laura Létourneau: À l'interface entre ces deux programmes, on a un outil clé qui est Mon espace santé, qui est donc à l'interface entre le Ségur Numérique qui va libérer la donnée et la stratégie d'accélération qui va utiliser cette donnée à des fins d'innovation, de recherche, etc. C'est Mon espace santé qui a, vous le savez, des briques natives issues de la plateforme d'État, un dossier médical, une messagerie sécurisée aujourd'hui et demain, un agenda partagé, mais qui a aussi et c'est la consécration d'État-plateforme, un catalogue d'applications numériques, où on va venir référencer tous les services numériques, à condition qu'ils respectent les règles et qu'ils se raccordent à nos infrastructures. Toujours la même chose. C'est donc indispensable que tous les entrepreneurs postulent à ce guichet pour pouvoir gagner en visibilité, pour pouvoir se targuer d'être fiables, interopérables, sécurisés. Il y a aussi des exigences sur la qualité du contenu médical, des exigences sur la fracture numérique et l'accessibilité. Puis pour avoir accès à de la donnée à laquelle ils n'auraient pas eu accès sinon, puisqu'ils peuvent avoir accès si le patient est d'accord, si les exigences de sécurité sont respectées, etc., aux données présentes dans le dossier médical, dans l'agenda des données qu'ils n'auraient jamais réussi à récupérer sinon, pour utiliser ces données et rendre un service numérique supplémentaire qu'ils n'auraient pas pu développer s'ils n'avaient pas eu accès à cette donnée libérée.

00:10:32
Lionel Reichardt: En 2017, vous avez coécrit un livre, Uberisons l'État ! Avant que d'autres ne s'en chargent. Vous nous avez plusieurs fois parlé d'État-plateforme. Est-ce que vous pouvez nous le redéfinir ? Aussi, est-ce que vous pensez avoir réussi justement à ubériser l'État en matière de santé ?

00:10:45
Laura Létourneau: Dans Uberisons l'État ! Avant que d'autres ne s'en chargent, on explicite d'abord la menace qui pèse sur les services publics, en l'occurrence une menace par des acteurs privés, notamment les GAFAM sur des sujets très régaliens, l'identité numérique, la sécurité, etc., et un peu moins régaliens comme l'éducation nationale et la santé. Vous avez tous sur votre iPhone une application qui s'appelle Santé, qui est Mon espace santé, mais qui n'est pas souveraine et dont l'intérêt général n'est pas garanti par les pouvoirs publics. La menace, elle n'est pas fantasmée. On dit dans la deuxième partie du livre qu'il ne faut pas s'arrêter là et pleurer, que cette menace est objectivement problématique, au-delà de la diabolisation des GAFAM ou de leur fascination. Qu'objectivement, en posant les arguments à plat, c'est problématique, mais qu'il faut profiter de cette mise en mouvement pour orienter enfin la modernisation des services publics dans un cadre de valeurs qui nous semble acceptable et beaucoup plus rapidement que précédemment en ubérisant les services publics ou plus précisément, en plateformisant et même en méta plateformisant des services publics.

00:11:45
Laura Létourneau: Comment est-ce qu'on applique cette méta plateforme ? On dit qu'il faut faire du judo et que le modèle de métaplateforme, c'est le modèle des GAFAM dont il faut s'inspirer. Pour l'expliquer, on prend l'exemple d'Uber, en disant qu'Uber, quand on regarde ce modèle de plus près, en réalité, il s'appuie sur le système de géolocalisation de Google Maps, sur la distribution de son service à travers des stores, celui d'Apple ou de Google, via l'identité numérique de Facebook Connect et par la gestion des données d'Amazon Web Services. S'il n'avait pas pu s'appuyer sur toutes ces infrastructures technologiques bâties par d'autres, en l'occurrence les GAFAM qui sont des méta plateformes, des plateformes de plateformes satellites, Uber, c'est une plateforme satellite comme Airbnb, comme BlaBlacar, etc., et en réalité Uber n'aurait jamais pu ubériser son secteur et aller aussi vite. Ce qu'on dit, c'est que dans les services publics, toutes ces infrastructures technologiques et ces métaplateformes doivent être publiques, parce qu'elles doivent être neutres et l'intérêt général doit être garanti par les pouvoirs publics. C'est une question de démocratie.

00:12:48
G_NIUS: On ne veut pas que le cadre d'interopérabilité, de sécurité, etc., soit imposé par l'App Store dans la santé. On veut qu'il soit imposé par les pouvoirs publics dans le cadre du référencement au catalogue de Mon espace santé. Certes, ce sont des contraintes, parce qu'il faut respecter des règles d'interopérabilité, d'éthique de sécurité, mais c'est au bénéfice des citoyens, mais ce qu'il faut comprendre aussi et le message que je veux passer à destination des entrepreneurs, c'est que c'est aussi une opportunité. Comme je le disais, Uber n'aurait jamais réussi à se concentrer sur le matching entre l'offre et la demande, s'il avait dû réinventer un système de géologues, d'identité numérique, etc. De la même façon, par exemple, Vite Ma Dose pour prendre un exemple de la société civile, pendant le Covid, a pu s'appuyer sur Pro Santé Connect, la brique d'identification sectorielle qui est l'équivalent de FranceConnect, mais pour les professionnels de santé, pour déployer son service dans tous les centres de vaccination, sans avoir à faire l'enrôlement comme on dit. C'est-à-dire l'identification et la qualification de tous les professionnels de santé pour vérifier qu'ils avaient le droit d'avoir accès à des données personnelles de santé. Le fait de coder en deux jours de bouton Pro Santé Connect sur son service numérique, c'est gagner trois mois de déploiement, puisqu'on nous-même nous n'avons pas enrôlé les professionnels de santé.

00:13:55
Laura Létourneau: De la même façon, je donnais l'exemple du catalogue de services Mon espace santé tout à l'heure. Grâce à Mon espace santé et à ces briques natives et au Ségur de la Santé derrière, les entrepreneurs pourront avoir accès à des données auxquelles ils n'auraient pas accès s'il n'y avait pas eu ce travail qui avait été fait avec les pouvoirs publics. L'État plateforme ou l'État méta plateforme pour être parfaitement exacte, c'est vraiment le beurre et l'argent du beurre. C'est-à-dire que c'est l'innovation au plus proche du terrain permise notamment par les entrepreneurs, mais ou/et parce qu'il ne faut pas opposer les deux mondes dans un cadre de valeurs éthiques, humanistes, citoyennes, garanties par les pouvoirs publics. C'est vraiment gagnant-gagnant. Pour le public, pour le privé et in fine, pour les citoyens.

00:14:35
Lionel Reichardt: C'est très clair. Après trois années passées à la tête de la DNS, vous vous apprêtez à passer la main. Quels sont les grands enjeux pour vous en matière de santé numérique en France désormais ? Quel conseil allez-vous donner à celle ou celui qui vous succédera ?

00:14:48
Laura Létourneau: Mon premier conseil, c'est de s'inscrire dans la continuité de tout ça et de ne pas lâcher sur cette feuille de route. Le numérique, c'est comme l'écologie. Ce sont des infrastructures derrière, il faut planifier. On ne peut pas changer de braquet tous les six mois. En revanche, le numérique, il a comme avantage par rapport à l'écologie, c'est qu'il met à peu près tout le monde d'accord. C'est-à-dire que tout le monde, tous les spectres de l'échiquier politique sont d'accord pour dire que c'est indispensable à la transformation du système de santé, qu'il faut y aller et qu'il faut y aller dans un cadre sécurisé, éthique, interopérable. On a dit ça, on n'a rien dit. Le plus dur, ce n'est pas de faire une feuille de route, ce n'est pas de publier des décrets, c'est de le faire.

00:15:26
Laura Létourneau: Il faut être hyper déterminé et rester hyper volontariste sur dérouler cette feuille de route et faire en sorte que ces impacts et ces usages soient visibles en vrai pour les professionnels de santé, pour les citoyens. C'est en train d'arriver avec le Segur, avec Mon espace santé, maintenant qu'on a fini de construire la plateforme d'État et toutes les fondations de la maison, mais il faut vraiment continuer dans cette voie et il faut continuer à un rythme élevé. Ça, c'est extrêmement important. Il ne faut pas continuer à la vitesse de la tectonique des plaques. Il faut rester à un rythme élevé dans la logique des petits pas rapides qui nous sont chers, donc ni les petits pas lents ni les grands pas qui n'arrivent jamais. C'est important. Pourquoi ? Parce que c'est important pour l'accompagnement du changement qu'on ralentisse. Ce n'est pas juste qu'on va moins vite, c'est comme en vélo, c'est que quand on ralentit, au bout d'un moment, on tombe. Pour craquer certains sujets, parfois il y a une histoire de rythme.

00:16:14
Laura Létourneau: Si on avait eu six mois et pas trois semaines pour faire voter par la Commission européenne et tous les États membres, les principes éthiques européens du numérique en santé, on n'aurait pas réussi à les faire voter. C'est parce qu'on a eu trois semaines qu'on a réussi à embarquer tout le monde et à se mettre d'accord. Par ailleurs, il y a aussi des enjeux extrêmement forts de souveraineté numérique, mais aussi de souveraineté sanitaire. Parce qu'on est en concurrence, nous, pouvoirs publics avec certains acteurs privés qui veulent être la plateforme d'État à la place de l'État, en plus du rôle qui leur est déjà attribué dans la logique d'État plateforme. C'est indispensable d'aller vite pour proposer des alternatives, pour être en phase avec les attentes de la société. C'est une question derrière de démocratie. Je n'ai aucune inquiétude sur le fait que, non seulement ça va s'inscrire dans la continuité, avec tout un tas de sujets supplémentaires qui vont s'ajouter sur les données, sur les usages, etc., et sur le fait que ça va perdurer dans un rythme élevé. Ça, ça dépendra de nous, pouvoirs publics, mais ça dépendra aussi de vous, tout l'écosystème, de faire en sorte que de continuer à faire votre part.

00:17:21
Lionel Reichardt: Pour conclure, Laura Létourneau, quel conseil pouvez-vous donner aux entrepreneurs, aux innovateurs qui voudraient innover en santé en France ?

00:17:28
Laura Létourneau: Je dirais, voyez la puissance publique comme des alliés. Rentrez dans un mode de pensée complexe un petit peu, mais pas si complexe que ça, où le public et le privé ne s'opposent pas, mais on est dans un État du XXIᵉ siècle, où il y a une alliance qui n'est pas naïve ou exigeante, mais une alliance intelligente entre le public et le privé au service de l'intérêt général qui est défini par cet État-plateforme. Je compte vraiment sur vous pour rentrer dans cette dynamique, comme vous l'avez fait depuis ces trois dernières années pour ne rien lâcher et pour nous aider à transformer le système de santé. De la même façon, vous pouvez vraiment aussi compter sur nous et sur les pouvoirs publics dans les années à venir aussi.

00:18:12
Lionel Reichardt: Laura Létourneau, merci. Notre épisode touche à sa fin. Merci de nous avoir écoutés. Nous remercions encore notre invité pour sa disponibilité. N'hésitez pas à vous abonner au podcast sur les plateformes d'écoute. Nous vous donnons rendez-vous très bientôt pour un nouvel épisode de 100 jours pour réussir.

00:18:32
G_NIUS: Celles et ceux qui font la e-santé d'aujourd'hui et de demain sont sur le podcast de G_NIUS et toutes les solutions pour réussir sont sur gnius.esante.gouv.fr.

 

En avril 2019, le ministère chargé de la santé publiait sa feuille de route du numérique en santé 2019-2022. Objectif : développer le numérique en santé autour de 5 orientations :

  • Renforcer la gouvernance du numérique en santé
  • Intensifier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d’information en santé
  • Accélérer le déploiement des services numériques socles
  • Déployer au niveau national des plateformes numériques de santé
  • Soutenir l’innovation et favoriser l’engagement des acteurs

En juillet 2022, trois ans plus tard, quel bilan peut-on tirer de cette feuille de route ? Quels sont les objectifs atteints et les projets en cours de développement ? Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique santé de 2019 à 2022, fait le point.