#14 - Réussir sa levée de fonds

Financement

Durée de l’épisode 00:31

Pour ce quatorzième épisode, “100 Jours pour réussir” fait le focus sur la réussite d’une levée de fonds d’une start-up en santé numérique.

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Voix off: « 100 jours pour réussir ». C'est le podcast de G_NIUS. Le Guichet national de l'innovation et des usages en e-santé. Autour de Lionel Richard, retrouvez les innovateurs de la e-santé et les experts incontournables pour vous aider à réussir dans vos projets.

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Lionel Reichardt: Bonjour à tous, vous écoutez cent jours pour réussir, le podcast à destination des innovateurs et entrepreneurs dans le numérique en santé, mais aussi de toute personne curieuse de ce domaine. Ce podcast est produit par G_NIUS, le Guichet national de l'innovation et des usages en e-santé. Dans cet épisode, nous parlerons de la réussite de la levée de fonds d'une start-up. Pour ce faire, nous recevons Arnaud Rosier, cardiologue, fondateur et dirigeant D'Implicity, une plateforme de télémédecine destinée aux cardiologues. Elle permet de suivre à distance les patients, de mettre en place des actions préventives et d'améliorer leur qualité de vie grâce à la donnée et à l'intelligence artificielle. Nous recevons également Jean-Marc Patouillaud, managing partner chez Partech Partners, un fonds d'investissement. Arnaud Rosier bonjour et merci d'avoir accepté notre invitation. Pouvez-vous tout d'abord nous présenter votre formation et votre parcours ?

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Arnaud Rosier: Je m'appelle Arnaud Rosier. Je suis, comme vous l'avez signalé, médecin cardiologue de formation. Un peu plus précisément, je suis ce qu'on appelle en France, Rythmologue, c'est à dire un spécialiste des troubles du rythme cardiaque, de l'électricité du cœur. Et puis j'ai, en parallèle à ce parcours professionnel, toujours été bercé dans la technologie. J'ai continué avec un doctorat sur des méthodes d'intelligence artificielle appliquées à la modélisation des connaissances en santé. Et bien sûr, désormais, je suis avant tout entrepreneur.

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Lionel Reichardt: Effectivement, vous avez créé l'entreprise Implicity en 2016. Quelle en est l'ambition ?

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Arnaud Rosier: Implicity, c'est une entreprise Medtech digitale qui a pour ambition d'apporter aux médecins comme moi, aux cardiologues dans les hôpitaux notamment, les meilleurs outils pour gérer le soin à distance, le suivi à distance de leurs patients équipés de dispositifs médicaux connectés. Maintenant, la santé et l'hôpital, ce n'est pas seulement s'occuper des malades qui sont présents, c'est aussi gérer les malades à distance. Et on voit bien qu'il y a plein d'objets connectés qui existent, qui remontent de l'information. Mais il y a un énorme sujet pour les équipes médicales qui est : Comment gère-t-on cette information qui revient de l'extérieur ? De patients qui ne sont même pas au courant souvent qu'ils émettent cette donnée. Nous, notre premier produit, c'est une plateforme qui récupère l'ensemble des données de tous les fabricants de pacemaker qui sont connectés et qui ont des données qui remontent un peu magiquement dans le cloud et qui leur permet de gérer les alertes des patients, de gérer finalement les patients qui ont besoin qu'on aille les voir. Et on développe de l'intelligence artificielle, des dispositifs médicaux logiciels pour améliorer la scalabilité. Le passage à l'échelle de cette activité et également arriver à prédire des événements chez les patients.

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Lionel Reichardt: En 2017, vous avez fait un premier tour de table de 800 000 euros. En 2019, vous avez levé 4 millions d'euros auprès de plusieurs fonds français. Comment sait-on dans son parcours d'entrepreneuriat, que c'est le bon moment pour lever de l'argent ? Comment procède-t-on ?

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Arnaud Rosier: Ce n'est pas une fatalité, c'est bien de le rappeler. Je dirais que la meilleure méthode, c'est de développer le business et de ne pas avoir besoin de lever. Mais ce n'est pas seulement un besoin de lever. Il y a certains modèles économiques où, bien sûr, c'est un peu le mode de financement initial, le temps d'avoir un produit, le temps de mettre en place les choses et d'avoir un modèle économique. Je dirais que dans notre cas, on est sur une tendance de fond extrêmement lourde qui s'est encore amplifiée par le COVID. Et on est quelque part dans une course. C'est à dire que ce qu'on fait a une visée globale au sens géographique du terme. On a réellement la capacité à pouvoir opérer en Europe et aux Etats-Unis et à résoudre ce problème avec des méthodes digitales de façon globale. Il avait d'ores et déjà, dès le départ, l'idée qu'il fallait se dépêcher pour prendre la place et devenir un leader. Et donc, dans ce cas-là, la méthode pour accélérer est généralement une bonne raison de lever des fonds. C'est le fait qu'on veut accélérer parce qu'on voit qu'il est possible de réussir. On s'en rend compte dans cette méthode-là et la levée de fonds, et le fait d'avoir recours à des fonds d'investissement, dans l'écosystème des start up, est un peu une méthode par défaut pour beaucoup d'entrepreneurs. On a l'impression que tout le monde se jauge un peu d'après ses levées de fonds. Donc moi, je ne suis pas un serial entrepreneur. Je suis quelqu'un qui a appris à devenir un entrepreneur avec cette société. Et je pense que je l'ai beaucoup appris au contact des autres entrepreneurs qui avaient une maturité, soit bien plus élevée, soit un peu plus élevé que nous, et par porosité, en quelque sorte.

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Lionel Reichardt: Est-ce que c'est plutôt grâce aux incubateurs dans lesquels vous êtes ou grâce à des événements auxquels vous avez participé ou vous avez rencontré d'autres entrepreneurs ? Ou est-ce que vous avez fait appel à des leveurs, ces personnes qui aident à organiser des levées de fonds ? Comment avez-vous appris les codes et les impératifs pour bien mener une levée de fonds ?

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Arnaud Rosier: Avec Implicity, quand on a commencé, on a été très tôt incubée chez Agoranov, qui était un des incubateurs emblématiques de Paris. Et chez Agoranov, on a non seulement, bien sûr, l'encadrement par des chargés d'affaires et l'incubateur en lui-même, mais finalement, on a cette faculté d'être mis en relation avec d'autres sociétés qui nous ressemblent. Au sens où ce sont des sociétés qui font de la disruption digitale, parfois des sociétés dans la santé. Et donc évidemment, des entrepreneurs, des CEO de sociétés. Et on rencontre des gens et on passe. Finalement, le rôle du CEO, c'est d'avoir la vision. C'est de mettre en place les recrutements clés dans sa société. Mais c'est aussi finalement d'apprendre et de grandir avec la société. Dans cette responsabilité qui est le fait de financer sa société, cet apprentissage, pour moi, il passe essentiellement sur le fait d'aller échanger avec les entrepreneurs et finalement essayer d'apprendre des erreurs des autres avant de les commettre. Et bien évidemment, d'apprendre de leurs succès et d'apprendre de leurs méthodes et de voir ce qui pourrait se répliquer. Moi, j'avais pas mal échangé avec à l'époque Yann Fleureau, qui venait de créer Cardiologs et qui avait un ou deux ans d'avance sur nous. Et donc, c'était quelque chose de très riche. Et puis, il y avait d'autres entrepreneurs. Il y avait Alexis Mathieu de FeetMe. Il y avait tout un tas d'entrepreneurs extrêmement brillants, donc pas mal de polytechniciens, mais pas seulement. Qui, finalement, avait déjà été exposé à cette problématique de levée de fonds avec un décalage temporel. Et c'est quelque chose qui était extrêmement enrichissant pour moi. Pour ma part, en tout cas,

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Lionel Reichardt: La question de passer par un leveur s'est-elle posée ? En avez-vous rencontré ?

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Arnaud Rosier: Tout à fait. En fait, cette question, c'est marrant parce qu'on a l'impression qu'elle se repose un peu à chaque fois qu'on se dit qu'on va relever des fonds. On se dit : Tiens, qu'est-ce que je ferais ? Est-ce que j'ai recours à un leveur ou pas ? Ce qui est toujours difficile, c'est de se dire finalement : Pourquoi ? Pourquoi prendre un leveur ? Et souvent, on se dit qu'on peut prendre un leveur, peut-être parce qu'on est dans un défaut de confiance, etc. Et je pense que ça dépend vraiment à quel point on veut s'investir totalement dans la levée de fonds. Pour moi, il y a quelque chose d'assez éco substantiel dans le rôle de l'entrepreneur, dans l'incarnation que l'entrepreneur a de sa vision et de ce qu'il veut faire de sa société. Et du coup, c'est vrai qu'on n'est jamais passé par des leveurs chez Implicity. Mais on en a rencontré un certain nombre. Et d'ailleurs, un certain nombre d'entre eux m'ont dit, quand j'ai voulu faire notre tir autour de d'amorçage, quand on a levé 4 millions en 2019, j'en avais rencontré certains et ils m'ont dit : On pense que tu n'as pas besoin de nous et on pense que là où tu en es maintenant, ça va le faire. Et voilà. Bon, je ne sais pas si c'est parce qu'ils ne voulaient pas travailler avec nous ou qu'ils le pensaient vraiment, mais ça s'est fait comme ça. En même temps, je ne porte aucun jugement de valeur sur ceux qui passent par des leveurs, parce qu'on voit des sociétés incroyables qui passent par des leveurs, qui font des levées de fonds considérables. Disons que dans notre cas, ça ne s'est pas présenté de façon concrète en passant par des leveurs. Et je pense qu'un certain nombre de fonds, notamment aux Etats-Unis, n'aiment pas forcément que les sociétés passent par des leveurs de fonds. Elles veulent avoir ce contact direct avec l'entrepreneur.

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Lionel Reichardt: Comment sait-on à qui s'adresser quand on veut lever des fonds ? Sur quels critères choisir de part et d'autre ? Comment le fonds d'investissement doit-il choisir l'entrepreneur ? Comment l'entrepreneur choisit-il son fonds d'investissement ?

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Lionel Reichardt: En tant qu'entrepreneur, vous avez le choix. C'est à dire que vous avez suffisamment de fonds sur la table, en quelque sorte, qui vous disent, on veut investir. Quand vous avez plusieurs « term sheet », etc. Ce qui a été notre cas pour être très honnête. Et on a eu la capacité de pouvoir, entre guillemets, choisir avec qui on voulait travailler. Parce qu'on dit souvent, les fonds le disent, c'est une rencontre. Il faut qu'il y ait un feat humain. C'est à dire que l'un des critères principaux des fonds, on l'entend souvent dans les podcasts, c'est finalement qu'il y a un feat entre les partenaires du fond, et puis l'entrepreneur ou l'équipe. Je pense que c'est aussi vrai dans l'autre sens et je pense que très souvent, quand on va chercher des fonds en tant qu'entrepreneur, on se dit je veux de l'argent et je vais d'abord chercher de l'argent, ce qui est vrai. On n'irait pas voir les fonds d'investissement, sinon. Mais je pense qu'il ne faut pas sous-estimer à quel point derrière, c'est une aventure ensemble. Et les fonds vont être au board et il va falloir discuter d'un certain nombre de choses. Et finalement, il y a un peu un côté mariage. Donc, ils sont là pour longtemps. Ils ne vont pas sortir tout de suite. Donc, je crois que c'est extrêmement important d'essayer de se retrouver dans cette situation. De pouvoir vraiment aller avec des gens avec qui on a envie de travailler. Donc ça, c'est un point important. Ensuite, comment est-ce qu'on trouve les fonds ? Alors, là encore, la meilleure situation, c'est la situation où ce sont eux qui viennent vous voir. C'est à dire où vous arrivez à faire suffisamment parler de vous. Et donc, il y a dans la revue de fond un exercice qui est un peu étonnant, finalement, qui est un exercice, un peu de séduction et qui se prépare un petit peu en avance. Ce n'est pas simplement un exercice où on se donne rendez-vous. On se rencontre, on a des tableaux, on regarde les tableaux. Chacun décide de façon purement rationnelle. Il y a réellement quelque chose qui m'a beaucoup surpris parce que je ne connaissais pas ces codes. Il y a vraiment une culture de la levée de fonds. Il y a la manière dont s’est censé se passer. Et donc, vous avez en tant qu'entrepreneur, ce rôle d'arriver à exprimer clairement votre vision et de mettre en évidence à la fois la vision de la société, ce vers quoi vous voulez tendre et qui donc va expliquer le potentiel. Mais aussi la manière dont vous exécutez. Et donc les bonnes nouvelles et les jalons de la société qui vont rassurer sur votre capacité à délivrer cette vision. Et ça, c'est vraiment quelque chose qui est visiblement d'une importance considérable dans la culture de la rencontre entre l'entrepreneur et les fonds d'investissement.

00:11:24
Lionel Reichardt: Pour votre part, quelles ont été les critères de décision pour choisir des fonds d'investissement ? Qu'est-ce qui vous a convaincu ?

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Arnaud Rosier: Dans notre cas, on est une société de santé digitale. Il existe quelques fonds de santé digitale en tant que tels, qui sont vraiment dans ce créneau. Mais la majorité des fonds sont des fonds qui investissent sur des sociétés de type tech, souvent en Be To Be, de gens qui font du sas, des plateformes digitales. Et ça, ce sont les fonds les plus gros, les plus nombreux. Et ces fonds apportent des choses spécifiques sur les méthodes de passage à l'échelle, sur l'organisation de la société. Et en face, il y a des fonds plus santé, mais qui, souvent, sont des fonds plus biotech, habitués à faire de la molécule, qui est donc centrée sur des stratégies complètement différentes. Donc, nous, on voulait associer un fonds digital avec un fonds santé et si possible santé digitale. Et donc, on avait déjà cette contrainte dès le départ d'associer, de syndiquer des fonds. Et donc on a trouvé, on a été assez vite séduit par Serena et par Camel qui est un partenaire, Serena, avec qui je me suis d'emblée très bien entendu. Il y a eu un feat, en quelque sorte humain extrêmement fort dès le début, et une thèse d'investissement qui était compatible avec eux. Ensuite, on s'est posé la question de : Quel fonds santé allait nous accompagner ? Il y en avait honnêtement plusieurs très bons autour de la table, et on a fini par aller avec Arista, qui s'appelait cap décisif à l'époque. Et qui avait une grosse expérience spécifiquement en santé digitale. Et puis, on avait un autre fond digital qui était également là, qui était Exchange, pour lequel, pour être très honnête, on n'avait pas forcément prévu de prendre trois fonds. On était parti plutôt sur deux, mais en fait, ils ont montré une capacité d'être un partenaire, extrêmement forte dans leurs discussions avec nous. Et il m'est apparu une évidence qu'avoir trois personnes autour de la table pour le board avec des partenaires de différentes expériences était une force. Donc, finalement, c'est l'idée que ça serait une force qui nous a décidé à choisir sur cette syndication.

00:13:41
Lionel Reichardt: Les fonds auprès desquels vous avez levé sont des fonds français, n'est-ce pas tentant de se tourner vers le marché étranger, notamment le marché américain ?

00:13:48
Arnaud Rosier: Alors oui, je dirais qu'elle est arrivée, mais elle arrive plutôt maintenant, finalement. Quand on a levé notre seed en 2019, l'ambition, c'était d'accélérer en France et en Europe, à ce moment-là. On n'avait pas encore le rêve de devenir un leader américain. On était en train de devenir un leader français. Ensuite, je pense qu'on a réellement une bonne capacité à trouver des capitaux pour du seed en France et en Europe. Et d'ailleurs, ça se décale. C'est à dire que les fonds vous le diront, c'est de plus en plus compétitif sur le seed et donc il se portent de plus en plus vers des sociétés en lestage. Je pense que pour un entrepreneur, au-delà de la tentation, s'il n'y a pas réellement déjà une capacité à faire des choses aux Etats-Unis ou un marché qui d'emblée apparaît global avec des choses pour convaincre, on peut vouloir se lancer aux Etats-Unis et lever des Américains d'emblée. Mais ça peut aussi être finalement destructeur. Parce que sa levée de fonds, il faut la réussir. Le but n'est pas d'y passer un temps infini. Et puis, il y a toujours un piège à lever trop par rapport à sa capacité à accélérer. Parce que la valorisation de la société, il faut l'assumer derrière. Et il faut l'assumer à travers les levées de fonds. Généralement, quand vous lever des fonds, vous mettez le doigt dans un engrenage positif pour accélérer sur la société, mais qui est quand même un engrenage où vous n’allez généralement pas être profitable au bout de six mois. Et donc très souvent, vous allez vouloir continuer d'accélérer et devoir relever et donc avoir une valorisation excessive parce que vous levez trop d'argent et que la valorisation est proportionnelle généralement à l'argent que vous levez, peut être un piège aussi pour l'entrepreneur. Donc, je pense que c'est un élément de vigilance à avoir en tête.

00:15:47
Lionel Reichardt: Vous parliez d'engrenage, un autre engrenage est de faire entrer de nouveaux actionnaires dans un projet. Comment s'assurer de garder la main et d'avoir la bonne vision ?

00:15:56
Arnaud Rosier: Tout dépend ce qu'on entend garder la main. Je pense que les fonds d'investissement ne se disent pas qu'ils vont gouverner la boite à votre place, très clairement. Ils ne veulent surtout pas être responsables juridiquement des mauvaises décisions si jamais ça pouvait être le cas. Et je pense que ça revient à ce qu'on disait tout à l'heure. Travailler avec des gens avec qui vous êtes capable d'aller dans le désaccord pour aboutir à des décisions constructives. C'est pour ça que le feat est extrêmement important. C'est comme dans un mariage, il faut se marier avec des gens avec qui on est capable d'être en désaccord et d'arriver à trouver la bonne décision collectivement. Après, collectivement ne veut pas dire collégialement, ce n'est pas forcément démocratique. Mais l'entrepreneur, finalement, il doit être à l'écoute. Il doit être à l'écoute de ce qui se passe à l'intérieur de sa société et il doit être écouté énormément de ce qui se passe à l'extérieur, dans son marché, auprès de ses clients et auprès de ses partenaires investisseurs. Parce que ces partenaires investisseurs qu'il a déjà au capital sont que des exemples de partenaires qu'il a. Mais il y a tous ceux avec qui il doit discuter qui pourraient venir à son capital et à tous ceux avec qui il doit discuter parce que ce sont des enseignements précieux. Encore une fois, je pense que le conseil absolu, c'est vraiment cette histoire d'écoute et de se confronter aux gens qui ont plus d'expérience que soi.

00:17:14
Lionel Reichardt: Pour conclure Arnaud Rosier, quel conseil donneriez-vous à un innovateur en santé numérique qui aimerait lever des fonds ?

00:17:20
Arnaud Rosier: Comme je l'ai dit, je ne suis pas extrêmement expérimenté. J'ai découvert les codes de la levée de fonds, etc. Et donc, je donnerai le conseil, finalement, qui m'a fait gagner du temps et pour lequel j'ai eu le sentiment vraiment que ça m'a aidé à réussir jusqu'ici. C'est vraiment de discuter avec ceux qui l'ont déjà fait suffisamment proche de sa propre expérience. Donc, pas forcément des sociétés qui l'ont fait dix fois, mais des gens qui l'ont fait une ou deux fois de plus que vous et donc des entrepreneurs, des CEO. Finalement, il y a quelque chose d'assez magique dans l'entrepreneuriat. C'est qu'il y a une espèce de bienveillance extrêmement forte entre les CEO ou les C level des sociétés. Ce sont des gens qui font face aux mêmes défis que vous. Une espèce de mur incroyable que vous voulez briser ou escalader et qui ont un discours sans filtre. Absolument en privé, mais sans filtre. Et ça, ça permet d'avoir des enseignements. Quelques petits conseils, même en une demi-heure ou une heure, qui vont radicalement transformer votre vision, votre compréhension de la culture de la levée de fonds. Ce qui est vraiment une culture très particulière, avec des codes, mais qu'il faut comprendre pour pouvoir comprendre comment fonctionnent les fonds d'investissement et comment leur parler et comment bien travailler avec eux.

00:18:44
Lionel Reichardt: Arnaud Rosier merci pour votre témoignage. Vous vous poser des questions sur les levées de fonds et comment lever un fonds d'investissement ? Eléments de réponse avec Jean-Marc Patouillaud, managing partner chez Partech Partners, un fonds d'investissement. Jean-Marc Patouillaud bonjour. Pouvez-vous tout d'abord présenter votre parcours et votre formation ?

00:19:04
Jean-Marc Patouillaud: Jean-Marc Patouillaud, ingénieur de formation sur le plateau de Saclay. Ce qui s'appelle maintenant Centrale Supélec. Un déroulé dans l'industrie nucléaire. Dans les six années qui ont suivi à MBHEC, de l'autre côté du plateau de Saclay. Et puis, après une entrée en religion du VC, du « VenShare » en 1990, pour ne pas l'avoir quitté depuis.

00:19:31
Lionel Reichardt: Vous dirigez Partech Partners, un fonds d'investissement d'origine américaine, mais implanté sur quatre continents. Parmi vos faits d'armes, on compte des sociétés comme la fourchette, dans le domaine de la santé, des sociétés comme Lifen, Alan, Cardiologs. C'est quoi un fonds d'investissement ? Quelles sont les missions de Partech ?

00:19:49
Jean-Marc Patouillaud: Un fonds d'investissement on n'a pas souvent l'habitude de présenter comme ça, mais moi, c'est la manière dont j'aime bien le présenter. C'est un relais entre de l'argent, l'argent qui est cher et auquel on prête beaucoup d'attention. C'est celui de nos investisseurs. C'est un relais intelligent, vers l'investissement dans les technologies qui vont anticiper le monde de demain. Quelque part, c'est une aventure dans laquelle on doit être très précautionneux de l'argent qui nous est confié et en même temps, qui nous aide à construire ce monde du futur. Avec au milieu, au centre de l'échiquier, bien entendu, l'entrepreneur avec qui on va nouer une relation qui est absolument capital.

00:20:38
Lionel Reichardt: Cette relation commence par un premier contact pour les entrepreneurs qui nous écoutent. Comment entrer en contact avec un fonds d'investissement ? Qui doit faire le premier pas ?

00:20:46
Jean-Marc Patouillaud: On a coutume de dire que le fundraising. Les levées de fonds, ce n'est pas une bataille, c'est une guerre. Ce n'est pas la rencontre d'un instant. Et puis, j'essaye de vous vendre un tapis dans les meilleures conditions. Où moi, vendeur, je vais essayer d'avoir ce tapis au prix d'achat le plus bas possible. C'est une vraie rencontre entre deux individus. C'est quelque chose qui se prépare. Et pour être très prosaïque, je dirais qu'il y a deux moyens de faire en sorte que cette relation démarre sous les meilleures prémisses, c'est soit d'être introduit, présentés par des gens qui sont crédibles auprès des fonds d'investissement ou crédibles dans leur industrie. Ou bien je dirais c'est un peu comme dans le Nouveau Testament, le procédé de l'Annonciation. C'est à dire longtemps à l'avance, un an, peut être six mois, mais pas mois 1. Se faire connaître, ne rien avoir à vendre, simplement se faire connaître, partager la vision, partager la mission du projet qu'on veut présenter pour se donner rendez-vous un an plus tard, mais cette fois-ci avec des faits. Et puis, si possible, un business plan. Donc, c'est un plan de guerre plutôt qu'un plan de bataille.

00:22:19
Lionel Reichardt: Quels sont les aspects qui vont le plus vous intéresser dans un projet et une entreprise ? Est-ce que c'est la vision de l'entrepreneur ? Est-ce que ce sont les aspects financiers ?

00:22:28
Jean-Marc Patouillaud: Tout est dans les chiffres. Néanmoins, les chiffres ne vont pas compter de la même manière suivant le stade auquel se trouve l'entrepreneur. Il y a plusieurs aspects. Il y a une fois de plus le stade de développement de l'entreprise. Si on en est à la sortie du garage, ce qu'on appelle communément le stade du seed ou de l'amorçage dans notre jargon, il est clair qu'on va surtout s'appuyer sur la vision présentée par l'entrepreneur et la personnalité de cet entrepreneur. Si c'est le cas, la manière dont il a su s'entourer. Et au fur et à mesure qu'on va monter dans les stades de développement de l'entreprise. On rencontre aussi des sociétés qui en sont au stade du « VenShare », voire au stade du capital développement ou Growth. Ce qu'on appelle les séries C. Les séries D. Là, pour le coup, on va avoir des notions qui vont rentrer en ligne de compte. Bien entendu, les chiffres, tout est dans les chiffres. Comme je le disais tout à l'heure, mais aussi cette notion d'adéquation entre un produit et un marché. Donc, c'est une analyse multicritère qui va viser à mesurer la taille de ce marché à dresser. L'adéquation et la différenciation du produit par rapport à ce qui est présent dans ce marché. Et puis alors, pour le coup, beaucoup plus affiné, la capacité de cet entrepreneur à s'entourer. Comme le vieil adage le dit, un bon entrepreneur est quelqu'un qui sait s'entourer de personnes meilleures que lui, dans chacun des domaines. Pour reprendre peut-être une espèce de métaphore que j'ai coutume d'utiliser et qui vient du monde du théâtre. Le scénario ou l'attelage idéal pour nous, c'est un peu ce que celui de Louis Jouvet, fameux metteur en scène et accessoirement acteur, décrivait pour sa manière de constituer une vraie troupe de théâtre. Il disait qu'il y avait celui qui regarde les étoiles, le visionnaire, celui qui voit loin. Et puis, il y a aussi celui qui doit faire tourner la troupe, qui doit manager la troupe, veiller à ce que tout le monde soit présent aux répétitions, veiller à ce que l'argent rentre dans les caisses de la billetterie du théâtre. Eh bien, l'entreprise, c'est probablement l'association de ces 2 types de personnalité dans une même équipe.

00:24:51
Lionel Reichardt: Une fois que les accords sont signés entre la start up et le fonds d'investissement, quelles sont les relations au quotidien ?

00:24:56
Jean-Marc Patouillaud: Une fois qu'on a fait l'investissement, les choses changent puisque pour le coup, l'entrepreneur et l'investisseur se retrouvent du même côté de la table, c'est à dire qui partagent les mêmes intérêts. Ils sont tous les deux actionnaires. Ils n'ont pour but commun que d'augmenter la valeur de l'action. Donc, a priori, tout va bien. On tire dans le même sens. Mais pour que cet attelage aille vite, remplisse toutes ses promesses. On ne peut pas se contenter, nous investisseurs d'être, excusez-moi l'expression, des « béni oui oui ». Le succès va venir de la manière dont nous, on est capable de poser les bonnes questions. On est capable de challenger entre guillemets, cet entrepreneur pour faire en sorte que même quand tout va bien, on essaye de lui dire, ça pourrait aller encore mieux. A l'inverse, il est clair que dans les petits trous, les chaos de l'histoire de l'entreprise, on doit être aussi capable d'accompagner, de soutenir le dirigeant. Donc, on est à la fois ce côté, ce n'est pas schizophrène, mais en tout cas, c'est dual, d'être à la fois le meilleur challenger, le meilleur poil à gratter et puis aussi le confident des moments difficiles. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, dans ces cas-là, on sera la personne la plus proche de lui, avant même ses clients, ses fournisseurs et encore moins ses banquiers.

00:26:33
Lionel Reichardt: Si je suis porteur de projet, comment choisir les fonds d'investissement auxquels je m'adresse ? Y a-t-il des spécificités entre les fonds ?

00:26:40
Jean-Marc Patouillaud: Le fundraising, c'est une guerre, ce n'est pas une bataille. Donc, il est effectivement très important de passer du temps sur la sélection du fonds avec lesquels on souhaite travailler. Je dirais même au-delà, peut-être même avec la personne ou le partenaire au sein du fonds avec qui on veut travailler. Il faut préparer, anticiper ces rencontres, montrer à l'investisseur qu'on a fait son travail, qu'on sait exactement ce dans quoi on est capable d'investir, ce dans quoi on est capable d'aider. Ou, a contrario, ce dans quoi on n'investira pas. Et ça, c'est un signe de professionnalisme qui, quelque part, présage de ses capacités d'anticipation de l'entrepreneur. C'est très apprécié. Après, comme vous le disiez, il y a un côté alchimique, c'est à dire veiller à ce qu'il y ait une compatibilité. Non, simplement stratégique, industrielle avec le fond avec qui on va travailler. Mais qu'il y ait aussi un côté alchimie de personnes avec cet investisseur et il ne faut pas hésiter de lui demander à déjeuner ou à dîner pour aller au-delà de la pure conversation financière ou stratégique. Quand on va sur le site de Partech, on y voit notre tagline, cette tagline dit « Think bold, move fast, and be fair » et elle résume exactement l'attitude qu'on attend de l'entrepreneur. Et je pense que c'est tout à fait ce que lui peut aussi attendre de nous. Donc Think bold, ça veut dire avoir une ambition. Faire mieux que la moyenne. Faire mieux que la compétition. Nous c'est ce qu'on vend à l'entrepreneur en termes de temps dédié et expertise financière. Move fast, parce qu'il faut savoir prendre des décisions très rapidement. C'est vrai pour nous parce que nous sommes en compétition très souvent. Il y a plusieurs fonds qui regardent l'opportunité au même moment. Mais ça va être tout à fait vrai pour l'entrepreneur qui ne devra jamais traîner à prendre des décisions sensibles, en particulier quand il va s'agir de recruter ou au contraire, de se séparer de collaborateurs ou collaboratrices. Et puis, be fair parce qu'on pense que l'on ne peut pas avoir une relation sur le long terme, bâtir une relation de confiance sans cette Fair attitude. Et on ne prend jamais les entrepreneurs par derrière. On est toujours très direct. On peut parfois lui reprocher d'être trop direct, mais on ne pourra jamais nous reprocher d'être « Unfair ». Et c'est ce qu'on attend comme comportement de la part de l'entrepreneur et qui peut se traduire en premier lieu par une très grande transparence de ce qui se passe dans l'entreprise, que ce soient les grands moments comme les mauvaises nouvelles.

00:29:56
Lionel Reichardt: Pour conclure, Jean-Marc Patouillaud, quels conseils donneriez-vous à un porteur de projet qui souhaiterait faire une levée de fonds et s'adresser à un fonds d'investissement ?

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Jean-Marc Patouillaud: Il faut qu'il s'assure, premièrement, qu'il a vraiment besoin de ce fonds d'investissement. On ne va pas voir un fonds d'investissement parce que c'est la mode et parce que d'autres sociétés, des concurrents ou des confrères lèvent de l'argent. On ne peut pas aller voir un investisseur si on n'a pas un vrai projet. Donc le projet, la vision, l'ambition est-ce qu'il guide la démarche de l'entrepreneur. L'argent, ce n'est que le moyen. Donc, cette manière de mettre en avant la vision et l'ambition ne fera que renforcer l'envie pour l'investisseur d'investir dans la société.

00:30:51
Lionel Reichardt: Notre épisode touche à sa fin. Merci de nous avoir écoutés. Nous remercions nos deux invités pour leur disponibilité. N'hésitez pas à vous abonner au podcast sur les plateformes d'écoute. Nous vous donnons rendez-vous très bientôt pour un nouvel épisode de 100 jours pour réussir.

00:31:15
Voix off: Celles et ceux qui font la e-santé d'aujourd'hui et de demain sont sur le podcast de G_NIUS et toutes les solutions pour réussir sont sur gnius.esante.gouv.fr

Description

Avec Arnaud Rosier (Implicity) et Jean-Marc Patouillaud (Partech Partners).

Pour ce quatorzième épisode, “100 Jours pour réussir” fait le focus sur la réussite d’une levée de fonds d’une start-up en santé numérique.

Avec le témoignage d’Arnaud Rosier, cardiologue, fondateur et dirigeant d’Implicity, une plateforme de télémédecine destinée aux cardiologues.

Nous recevons également Jean-Marc Patouillaud, managing partner chez Partech Partners, un fonds d'investissement.